Le design encourage assez fréquemment le transfert technologique. Le designer s’appuie souvent sur ses connaissances antérieures en matériaux, en technologie et en process de fabrication pour l’appliquer à un autre champ d’utilisation. Parfois le transfert va au delà de ce principe et s’attache à un contexte, une narration. Les objets proposent alors un nouveau comportement à l’utilisateur. Les designers choisissent de transférer une action ou un geste donné vers un objet d’un tout autre domaine. L’utilisateur est ainsi amené à réfléchir à ses actes quotidiens, se questionner, ou encore prendre plaisir à exécuter une action peu fréquente.
Sont ici présentés une série d’objets narratifs, humoristiques parfois, qui apportent, par leur décontextualisation, de la poésie à nos habitudes quotidiennes.
Noko Noko est un projet de l’atelier Peekaboo formé par deux diplômés de l’ECAL Damien Ummel et Thierry Didot. Il s’agit au premier abord d’un objet sculptural, un dôme blanc en marbre. Il est précieux mais peu bavard. Cependant, Noko Noko est présenté avec un levier, rappelant un pied-de-biche de cambrioleurs. Pour ouvrir ce qui s’avère être un écrin, il faut faire levier à la manière d’un voleur pour soulever le dôme et récupérer ses bijoux. C’est un projet amusant et malin, l’écrin devient son propre cadenas pour qui n’en connaît pas les codes.
Noko Noko, Atelier Peekaboo, 2010, Suisse
Chris Kabel a imaginé un candélabre à gaz rechargeable : Flames. Ce projet fait partie de la collection du Fonds National d’Art Contemporain (FNAC). Le designer s’amuse ici à pointer du doigt notre époque et propose une réflexion sur la consommation, la récupération et le détournement.
Il transforme un dîner aux chandelles en une évocation romantique qui frôle l’univers du camping ou de la paillasse de chimie. Il questionne la durée, mais aussi le chic et l’effet de cet objet sur le dîner. Le gaz est plus long à se consumer que la cire d’une bougie et l’effet du chuintement du bec benzène moins romantique. Le designer a déclaré vouloir s’attaquer avec Flames à la définition de ce qu’est le bon goût, à chacun d’en juger.
Flames, Chris Kabel, 2013, Pays-Bas
Maaike Fecken est une designer néerlandaise qui a fait de la zone entourant la cuisine son domaine de prédilection et d’étude. Elle crée autant de recettes que de produits et s’interroge sur l’appauvrissement du goût et de l’agriculture à grande échelle. Le projet présenté s’appelle Kiemoogster, il s’agit d’un dispositif pour la culture et la récolte de graines germées telles que le cresson, le lin, la roquette ou encore la moutarde.
Il a pour ambition qu’un particulier puisse produire des graines germées pour sa propre consommation. L’outil qu’elle a imaginé est inspiré des presse-purée manuels. Le récipient principal permet la germination et la lame reliée à la manivelle coupe au fur et à mesure des besoins de sa consommation. Ce projet reste par les références qu’il convoque dans l’univers de la cuisine, mais transfère un procédé de transformation d’un aliment en sa culture et sa récolte.
Kiemoogster, Maaike Fecken 2014, Pays Bas
Le studio espagnol Micomoler, a crée une lampe Quinque que l’on pourrait traduire en français par « quinquet ». Ce mot peu utilisé de nos jours renvoie à une lampe à l’huile avec un réservoir à un niveau supérieur à celui de la mèche. L’inspiration est là. L’esthétique de la lampe à huile est soulignée par les matériaux, le verre dépoli et le métal. On passe mentalement d’un luminaire qui fonctionne d’une énergie à une autre.
Ce transfert se produit par le biais d’un interrupteur : Micolomer a joué sur l’allumage des anciennes lampes à huile en imaginant un interrupteur en forme de clé qu’il faut tourner pour progressivement, créer par le biais d’un variateur, une lueur, une faible intensité, puis enfin, une vraie lumière.
Quinque, Micomoler, 2014 , Espagne
Swiss soap est un projet du designer suisse basé à Munich, Max Neustadt. Ce distributeur de savon est inspiré d’un outil appelé girolle, destiné à couper de très fins copeaux de « tête de Moine », un fromage AOP de la région de Bern. Cet outil fonctionne selon un principe de manivelle qui avec une légère pression active une lame rotative qui permet en un tour de manivelle de détacher des copeaux de matière. Un tour de Swiss soap est suffisant pour se laver les mains.
L’objet est à la fois hygiénique car les mains ne sont à aucun moment en contact avec le savon et il change la vision que l’on peut avoir d’un acte aussi banal et répétitif que de se laver les mains.
Crédit photo : ecal
Swiss soap, Max Neustadt, 2011, Allemagne
Grégoire de Lafforest joue, avec son projet de lampe Olab, sur l’immatérialité de la lumière, comme si elle n’était qu’un souffle. Pour allumer sa lampe, il faut presser une poire, comme celle d’un vaporisateur. L’éclairage est alors progressif et correspond aux pressions exercées. Le souffle semble gonfler le ballon qui constitue l’abat jour. L’armature est mise en tension par le ballon de lumière qui tend à s’échapper. L’objet est curieux, relativement technique mais renvoie avant tout à une histoire simple et poétique.
Ce projet est édité par la galerie Gosserez. Copyright photographies : Maxime Champion.
Lampe Olab, Grégoire de Lafforest, 2011, France
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Emerveillée par ces créations qui unissent le pratique et la poésie, la beauté de l’objet et la beauté du geste. Bravo !
TRANSFERT TECHO ET DETOURNEMENT ? Le transfert technologique ou transfert de technologie n’a souvent que tres peu de choses à voir avec le design . C’est le passage de la recherche souvent universitaire à l’entreprise , donc c’est via la R et D de l’entreprise et l’ett, c’est ausssi une decision du top management d’entreprise donc au niveau du CEO, avec un fer vert ou un appui au niveau de l’ etat . C’est donc souvent politique et plus souvent la macro economie (de la Macron economie pour faire un jeu de mot) que de la micro economie et du design…. Les designers font du detournement, technique creative utilisée aussi par les artistes.
Wow, très pratique et original !