Poursuivons notre dossier dédié à l’exposition Ad Intérieurs 2015 par la présentation de chacun des décors.
Cette cellule douce et épurée conçue par le duo d’architectes Toulousain composé de Daniel Suduca et Thierry Merillou repose autant qu’elle inspire. Tout semble être à échelle humaine, à hauteur du regard, et ce que dernier ne peut pas voir nos oreilles l’entendent: les lamelles des panneaux acoustiques se transforment en enceinte qui diffuse une bande sonore apaisante.
– Pouvez vous nous parler des objets décoratifs de cette pièce ?
DS: Cette table de Mattia Bonetti a servi de point de départ. C’est une table en chêne massif et de forme assez particulière qui s’appelle Onde, avec une inclusions de laitons niclé qui est d’une part représentatif du travail de Mattia Bonetti et d’autre part représente aussi ce que nous avons voulu montrer, c’est à dire quelque chose de pur, de simple et de naturel.
TM: c’est une pièce qui nous a permis de faire la liaison avec le thème de l’exposition qui était l’avant garde. On retrouve une table, un élément traditionnel, qui plus est en bois, mais avec ces inclusions de métal qui la révèlent complètement et qui l’amènent dans un autre siècle.
DS: Il y a à la fois du mobilier et des objets classiques, parce que nous voulions montrer qu’une œuvre antique comme ce pilier hathorique, ces fauteuils de délassement 18e ont été et sont aujourd’hui aussi autant d’avant garde qu’une œuvre contemporaine.
Ces fauteuils de délassement par exemple ont été novateurs au 18e, ils ont ensuite été repris par un créateur comme Jean-Michel Franck qui s’en est servi comme modèle pour la proportion de ses meubles et de même par nous pour faire une belle création de mobilier parce que les proportions sont belles et justes.
Il y a des œuvres plus particulières comme celles que l’on a dessinées pour l’exposition comme ce lit de repos méridienne ou le paravent marqueté en plusieurs bois. Nous retrouvons toujours le thème de matériaux nobles et simples d’utilisation.
TM: ce sont des matériaux naturels. Le bois pour le paravent traité en marqueterie peut être quelque chose de très ennuyeux mais là justement cette marqueterie inspirée des années 50 est nouvelle dans sa conception. Cela a été fait par ordinateur, découpé par laser et en même temps le paravent est sonore: des appareils à induction ont été intégrés à l’intérieur de celui ci qui transforment chaque panneau en une enceinte donc la musique/le son que nous pouvons entendre dans la pièce provient des feuilles du paravent.
La table qui est une création d’une artiste actuelle qui s’appelle Bela Silva et qui dessine des éléments pour notre galerie.
La photo est une œuvre de François Mouriès, qui avait réalisé il y a quelques années une série de portraits de gens du spectacle. Ici c’est un chorégraphe, James Carlès, au regard très prenant et le tableau est de Bruce Tippett, un artiste Anglais, tout en volume entre la sculpture et le tableau en somme.
– Le chorégraphe James Carlès venant de Toulouse, était ce important d’avoir une part de Toulouse dans la pièce ?
TM: ce sont tout à fait nos origines, la base de la maison étant à Toulouse…mais c’est un peu un hasard!
– À qui se destine votre pièce ? Un artiste ?
DS: À l’origine c’est une pièce de repos, une chambre de travail pour un artiste. L’idée est venue en lisant une phrase de Peter Handke qui disait que pour travailler il avait besoins de lumière, d’espace et d’air (« Combien la lumière, l’espace, l’air me sont nécessaires pour penser! ») et nous nous sommes dit que ces trois éléments sont fondamentaux pour tout artiste et nous avons donc conçu un espace avec de la lumière, de l’espace et de l’air
– Combien de temps a nécessité la réalisation de cette pièce ?
D’un point de vu purement matériel, 15 jours de réalisation très denses sur place ont été nécessaires à sa construction. En amont il y a deux mois de de travail conséquent puisque tous les murs sont en plaques de staff faites à la main assemblées sur place. Chaque plaque a été réalisée par un artisan maître de son domaine, ce qui a demandé beaucoup de maitrise. L’ensemble des éléments qui sont assemblés ici sont aussi des pièces uniques et faites pour l’occasion. Donc il y a un travail important effectué auparavant.
– Quelle était la taille de votre équipe ?
DS: Nous sommes sept à travailler en permanence à l’étude, entre la galerie et le bureau d’architecture et nous avons été quatre mobilisés à plein temps sur la pièce.
– Comment avez vous trouvé vos partenaires et artisans ?
TM: Ce sont des artisans et partenaires avec qui nous travaillons depuis longtemps. C’est important pour nous d’avoir une équipe qui nous comprend, qui sait exactement ce que nous voulons et qui vont tout de suite avoir la manière de faire qui nous convient.
DS: Par exemple le tapis a été réalisé par la maison Codimat. Dès qu’ils ont reçu les échantillons ils ont tout de suite pensé à notre projet pour AD Intérieurs. Ce sont des gens avec qui nous avons entièrement confiance et qui nous relaient leurs nouveautés et leurs nouvelles technologies. Autant au niveau du staffeur que du tapissier ce sont des gens que nous avons mis très longtemps à former à notre manière de travailler et avec lesquels nous continuerons de travailler.
– Que retenez vous de cette première participation aux AD Intérieurs ?
DS: Lorsque Marie Kalt (rédactrice en chef d’AD Magazine) nous a proposé de participer à cette édition nous avons sauté sur l’occasion car pour nous cela représentait un joli challenge pour nous même, pour faire un point sur notre travail de 15 ans, cela nous permettait d’avoir un retour sur notre travail et en même temps une grande communication avec nos confrères ce qui est toujours très agréable. Et puis c’était aussi une manière de montrer notre travail et notre univers à d’autres personnes.
– Est ce que pour vous la technologie s’oppose nécessairement au réel ?
DS: Ce n’est pas la technologie nécessairement, c’est avoir cette barrière, cet écran permanent entre l’homme et l’homme qui ne voit plus l’être humain qu’il a en face de lui, sans arrêt soumis à un écran et la technologie.
Cette lecture que nous avons eu de Peter Handke qui mettait en garde par rapport à la contemporanéité des hommes qui se noyaient dans un modernisme qui les écartaient du coté humain.
La relation humaine est un élément important pour nous, de se retrouver dans du réel, dans un milieu un peu plus vrai et savoir réfléchir et penser sans forcément avoir la technologie derrière. Ce n’est pas un rejet complet de la technologie mais plutôt avoir une autre vision complémentaire qui a aidé quand même vingt siècles de réflexion humaine.
TM: C’est passer au delà de la technologie et retrouver un peu le réel. La technologie de l’électricité a bouleversé le monde à une époque, mais on est passé au delà, cela n’inquiète plus personne et la technologie d’aujourd’hui est de plus en plus rapidement assimilée, avalée, digérée et donc il est nécessaire de retrouver des éléments du réel, donc des matériaux et ne pas seulement se contenter de se qui peut être très fugace.
– L’univers sonore et acoustique jouent un rôle important dans la pièce…
TM: À la base pour nous l’artiste était un musicien donc tout est parti de là et de cette technique qu’on a connu par quelqu’un qui fait de la muséographie. Nous avons choisi de faire le paravent sonore, cela aurait aussi pu être les murs comme le sol ou le plafond…C’était une façon de montrer que la technologie a disparue, qu’elle est intégrée, dans les murs.
DS: La bande sonore ne se compose pas uniquement de musique mais aussi de paroles humaines, pour conserver ce rapport à l’humain et non pas l’écarter et rester dans le cadre de l’humain, d’une façon très simple, sans que cela soit non plus ostentatoire, avec une surenchère de choses. Nous voulions recadrer sur un espace calme et humain.
TM: Tous les visiteurs que nous avons pu avoir jusqu’à présent nous disent que pour eux c’est une pièce extrêmement calme et reposante. Nous sommes content car c’est exactement ce que nous voulions avoir: un univers où l’on souffle.
DS: une pièce qui ne soit pas non plus un lieu trop décoré, que l’on sente que c’est maitrisé mais pas forcément par les ficelles de la décoration.
– C’est pour cela que vous avez choisi une pièce avec fenêtre ?
TM: tout à fait. Nous avons même fait agrandir la fenêtre de la boite
DS: Nous avons d’ailleurs laissé le sol de Perret d’origine car nous trouvions qu’il y avait cette majesté de la salle Hypostyle avec ce côté béton et pierre naturelle, et nous avons également conservé autant de hauteur sous plafond que possible.
Nous avons conçu une chambre de travail pour un artiste et Marie Kalt l’a transformée en cellule monastique chic, cela nous a plus car cela retranscrivait bien notre envie de faire une pièce calme et à échelle humaine.
Exposition AD Intérieurs 2015
Période : du 5 au 20 Septembre 2015 de 14h à 18h (entrée libre sur présentation d’une pièce d’identité)
Lieu : Palais d’Iéna – 9, place d’iéna Paris
crédit photo (si non libellé): SeenByKloé pour Blog Esprit Design.
Retrouver l’intégralité de notre dossier : BED – AD Intéieurs 2015
Plus d’info sur l’exposition : AD Intérieurs 2015
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@ MartinNapoleoni ? Quid du monde de la haute decoration dans l’ecosysteme du design français? Autrement dit comment inclure ( mais faut il l’inclure ? ) le concept flou de haute deco ration dans un concept flou , le design, sous pretexte qu’il y a toujours un concept plus grand ? Ce microcosme est lié aux artisans d’art qui travaillent souvent pour des galeries de design. Il est lié aussi aux commissaires priseurs (ventes aux enchères) et tres rarement au design vendu en boutiques de design