Partons à la rencontre de Martial Marquet, jeune architecte français ayant participé à la conception du pavillon français pour l’exposition universelle 2015.
copyright : XTU / Studio Adeline Rispal – photo Luc Boegly
– Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
J’ai été diplômé de l’École Spéciale d’Architecture en 2009 et de l’École Nationale Supérieure de Création Industrielle (ENSCI-Les Ateliers), pour un post-diplôme, en 2012. J’ai travaillé plusieurs années en agence, notamment H2O Architectes et Didier Faustino. Je développe aujourd’hui des projets d’architecture, de design et de scénographie d’exposition à mon propre compte ou comme chef de projet indépendant en agence. Je suis également enseignant vacataire à l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles.
Mes champs d’investigation sont variés, mais privilégient le rapport corps/architecture, l’espace social, ou encore les dispositifs de projection.
– Vous êtes donc architecte ou designer ? Passé par l’ENSCI, pourquoi ce choix ?
Pourquoi choisir ? Je ne suis pas adepte des cases… Dans ma pratique personnelle je ne mets pas de barrière entre les différentes disciplines, je vais chercher dans une direction ou dans l’autre en fonction des besoins du projet et j’essaye de tirer le meilleur des différentes approches et techniques apprises dans les différentes écoles et agences où je suis passé.
J’ai fait un post-diplôme à l’ENSCI pour développer des projets expérimentaux à l’échelle du corps et de l’objet. Cette formation n’a duré qu’un an mais a été riche en enseignements, grâce au temps passé avec les enseignants et surtout avec les designers émergents auprès desquels j’ai beaucoup appris.
– Comment définiriez-vous votre travail ? Votre approche ?
L’hybridation est au cœur de ma pratique et c’est souvent par le croisement des matériaux ou des usages que des formes se créent répondant ainsi à de nouvelles pratiques, créant de nouvelles rencontres. L’origine de mes projets personnels vient souvent d’un sentiment de manque.
Par exemple le projet « Rise Above » est né d’un constat : il n’y avait pas dans l’espace public parisien de dispositifs (ou mobiliers) pour partager et échanger à plusieurs, ni de moyen de s’isoler de la foule. J’ai créé une structure hybride qui réunit ces deux besoins, permettant de s’isoler et de prendre et de la hauteur, ou de se regrouper avec des amis sans forcément être à une terrasse et « consommer » quelque chose.
Cependant je travaille rarement seul, j’aime développer des projets à 4 mains ou plus, comme pour « La Capitainerie » avec Nicolas Polaert (architecte), « Cross Bones » avec Ghislain Minaire (designer) , ou encore « The Great Escape » avec Marianne Ferrand (architecte-scénographe).
– Dans quel environnement travaillez-vous ?
Ces derniers mois j’ai principalement travaillé au sein du Studio Adeline Rispal pour le Pavillon France, mais j’aime par-dessus tout être là où se concrétisent les projets sur les chantiers ou en atelier.
J’aime particulièrement le moment de la construction des projets, qui permettent d’apprendre et transmettre des techniques de travail, notamment à l’étranger comme au Laos ou à Cuba pour les deux installations « Rise Above » avec la Fondation Malongo. A chaque fois cela a été une expérience humaine forte, riche en rencontres et en dépaysement !
– Vous avez collaboré à la conception du pavillon France de l’expo 2015, pouvez-vous nous expliquer le projet, votre rôle ?
Le projet d’exposition répond au plus près à la thématique générale d’Expo 2015 « Nourrir la planète en 2050 ». En effet, nous présentons aux visiteurs tout au long du parcours le message de la France sur cette thématique.
Pour le Pavillon France j’ai collaboré en tant que chef de projet scénographie pour le Studio Adeline Rispal (SAR). Avec SAR nous avons fait la conception et la scénographie de l’exposition à l’intérieur du pavillon, et cela depuis le concours, remporté en mars 2014 par notre groupement XTU architectes / Studio Adeline Rispal, jusqu’à la livraison du bâtiment le 1e mai 2015.
L’exposition présente les savoir-faire scientifiques, techniques et artisanaux de la France autour du thème de l’alimentation et des énergies vertes. Le bâtiment a la forme d’une topographie inversée, une grande voûte formant une halle. Pour préserver la dynamique de cette immense charpente en bois nous avons décidé d’y inclure l’exposition et d’habiter les alvéoles, laissées libres par la structure en caissons, avec la multiplicité des techniques, savoir-faire et produits français.
L’enjeu de la réponse française est de montrer la diversité des recherches menées par la France, comme par exemple sur la qualité des semences françaises produites par une sélection génétique, le phénotypage, qui ne modifie pas les gènes des plantes mais en accélère processus de sélection naturelle en l’assistant par ordinateur. Cela sans jamais perdre de vue ce qui fait la spécificité de la culture française, les savoir-faire innovants comme les bio-composites ou les savoir-faire traditionnels avec les entreprises du patrimoine vivant. Tous ces sujets sont mis en perspective par un film d’animation visible en ligne ici (réalisé par D.Van Vaerebeke avec le graphiste A.Maiffret et produit par Les films d’Ici).
Je crois que ce qu’il faut retenir c’est que pour nourrir la planète en 2050 il n’y a pas une solution unique mais plutôt une multitude à mettre en place à tous les niveaux, de l’industrie à la gastronomie. Chacun a son rôle à jouer dans cette chaîne par ses choix quotidiens.
En tant que chef de projet j’étais en charge de la création du concept du projet de scénographie au moment du concours, puis de son développement d’un point de vue technique et spatial avec en parallèle le développement des contenus dont la synthèse a été faite en grande partie par Adeline Rispal et Julie Chaudier avec le commissaire scientifique Alain Blogowski .
Contrairement à une expo habituelle l’espace est inversé, car tout le contenu de l’exposition est placé au plafond ! Cela permet ainsi une circulation aisée des visiteurs dans l’espace. Pour cela il a fallu repenser la nature même d’une exposition et ré-inventer notre façon de la concevoir : ici les socles et podiums de présentation sont remplacés par des suspentes en câble d’acier et les vitrines par des cylindres en plexiglas suspendus.
– Que retenez-vous de cette expérience ? les premiers retours ?
Réaliser un projet à l’étranger est toujours un challenge et d’autant plus dans le cadre d’une exposition universelle qui implique de grandes contraintes sur le chantier et des délais très courts. Cela en a fait une expérience hors normes, surtout avec ce projet qui est tout aussi complexe qu’intéressant. Que ce soit pendant le concours ou dans les phases suivantes, c’est la première fois que je participais à un projet où la conception du bâtiment, du contenu et de la scénographie de l’exposition étaient simultanés !
Il a fallu faire preuve d’une grande flexibilité et cela nous a obligés en tant que scénographes à créer des dispositifs d’exposition innovants, faciles à adapter à toutes les différentes situations que présentait la géométrie complexe du bâtiment et la grande variété des éléments exposés. Jusqu’à la veille de l’ouverture on a ajusté les éléments et le contenu de l’exposition pour que tout soit conforme au concept original du projet.
Les premiers retours sont très positifs, la vraie récompense pour moi étant de voir le visage des visiteurs s’illuminer en entrant dans l’espace d’exposition. La vue de l’impressionnante diversité des objets et de contenus exposés les laisse rarement indifférents !
– Quels sont vos projets à venir ? On peut en avoir un aperçu ?
Je développe en ce moment le projet « Cyclope : le cinéma explorateur », dispositif nomade de projection, avec lequel j’ai été finaliste des Audi Talents Awards cette année.
Au mois de juillet je suis invité comme intervenant au Festival Hello Wood en Hongrie avec Nicolas Polaert. Nous avons proposé le projet « Mazzochio, a social zone ». Nous le construirons sur place avec l’aide d’une équipe d’étudiants internationaux.
En septembre ce sera la concrétisation du projet « Assemblage », résultat de l’atelier que j’ai mené avec avec Claire Petetin (architecte), Benoit Brient (graphiste) et les étudiants de l’ENSAV : Lors d’un workshop les habitants du quartier du Pas-du-Lac vont pouvoir s’initier à la fabrication numérique et au DIY avec les étudiants en préparant la fête de quartier.
Je suis également engagé dans la constitution de PZZL (NDLR : lire « puzzle » ), collectif pluridisciplinaire regroupant architecture-design-art-graphisme-vidéo.
Enfin plusieurs collaborations se profilent pour 2015 et 2016 avec des centres d’arts ou des clients publics, à suivre donc !
– Le projet que vous auriez aimé réaliser ?
Mes projets qui sont encore sous forme de croquis ou de plans… comme par exemple un projet de centre d’accueil pour sans abri (bientôt sur mon site).
– Est-il possible, pour terminer d’avoir un petit dessin spécial BED : Blog Esprit Design by Martial Marquet ?
Merci à Martial pour sa disponibilité, gentillesse et explications détaillées d’une expérience particulière !
Plus d’informations sur l’architecte : Martial Marquet
crédits photos : ©XTU Studio Adeline Rispal / Photo Luc Boegly
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Pour aller plus loin, vidéo de la conception et installation du projet MAZZOCCHIO par Martial Marquet
https://vimeo.com/135031818
UN DESIGNER RENVERSANT ? J’ai bien compris que Martial Marquet aussi bien dans la scénographie de l’exposition Pièces montrées qu’ à Milan regarde les choses à l’envers….. C’est vrai qu’en mettant les tableaux au plafond,on aurait pas le même point de vue sur l’art… Je suis sûr qu’il n’y a pas pensé dans sa thèse de l’Ensci sur le corps et l’espace museal…http://strabic.fr/IMG/jpg/postures-martial-marquet-1.jpg
Puisque je parle de systemique , il serait sans doute interessant d’entendre ( ou plutôt de lire notre redacteur de sujet ) notre eco systematicien lumineux du design architecturé et de l’automobile suédoise, je veux dire Martin Napoleoni. Je le dis sans aucune ironie en restant le plus factuel possible
AUTOUR DE LA QUESTION DU SUJET ET DE L’OBJET…Avoir un objet (d’etude, de reflexion) c’est aller vers…. cet objet avec le maximum d’objectivité. Je dois dire que je n’ai pas à ce jour REmarqué ni le nom pourtant facile à memoriser , facile à orthographier ,ni le visage, ni le corps ( sujet d’etude de MM), ni le parcours, ni le travail, ni l’oeuvre de Martial Marquet en temps que designer d’ameublement mais est il designer d’ameublement ? Avec 1500 occurences de son nom dans Google , il est largement au dessous du seuil de visibilité La mémorisation suppose une certaine repetiton, une certaine innovation, une certaines surprise dans un domaine, dans un champ specifique du design… Il n’est pas le seul touche à tout. Son dessin mais pas son dessein (quid?) pourrait faire penser à un designer belge autodidacte Bram Boo ou un studio hollandais comme makkink bey. Le design d’auteur suppose l’individuation c’est à dire le processus de distinction d’un individu des autres de la même espèce ou du groupe, de la société dont il fait partie mais est ce du design d’auteur ? C’est un probleme de categorisation, de taxonomie ou de systematique de definition de l’espece en question….http://payload219.cargocollective.com/1/14/450707/6693537/OBSERVER-martial-marquet-2012-5.jpg