En Mey fais ce qu’il te plait,
selon la formule de saison et le clin d’œil culinaire à un autre lieu Lyonnais ne manquant pas de panache.
Mais c’est aujourd’hui l’architecte-designer Berengère Mey qui nous attend en salle, chez les Apothicaires rue de Séze dans le 6e, la nouvelle adresse de Tabatta et Ludovic qui font tressaillir le tout Lyon gourmand depuis leur récente ouverture. Quelques galops d’essai pour la jeune architecte et puis ce coup de maître: accompagner les deux chefs dans leur première aventure en duo après avoir affutés leurs couteaux chez Le Bec, Marguerite et d’autres belles maisons.
Un lifting dans un lieu existant est une chose mais une ouverture est d’une toute autre échelle. L’adéquation entre contenu – la recette – et contenant – l’assiette – l’harmonie des tons et ambiances, les matériaux , comprendre les usages propres à un lieu de restauration et de convivialité et dialoguer sans cesse avec les deux Chefs…
Bérengère Mey: Aventure familiale débutée lors du mariage de Tabatta et mon cousin Ludovic en juillet dernier. Un coin de table à la fin du repas et leur envie d’un bb-restaurant bien à eux très rapidement, grandes lignes tracées sur la nappe. C’est parti de là. Ancien Italien, le lieu gardait ses cuisines mais nécessitait une complète re-création, à l’image de ce qui allait être présenté en assiette. Là encore, cohérence, complémentarité.
Quel a été votre apport à ce premier stade du projet ?
les fondations posant l’identité, facilite le dialogue avec deux jeunes chefs qui après un voyage de noces culinaire au Brésil – chez Alex Atala – et à Copenhague chez Noma reviennent avec des idées précises?
BM: Précises mais pas figées, comme leur cuisine d’ailleurs, à l’écoute, évolutive.
Ils avaient l’idée d’aller voir ailleurs comment ça se passe, échange fécond dans des cuisines légendaires et forcement au retour, des envies jaillissent sur le papier, à moi de les mettre en forme, d’y apporter mon expérience d’archi. Ces caisses par exemple disposées sous la banquette, par leurs couleurs et le bois utilisé on pourrait croire à une influence nordique, et bien c’est la déclinaison d’un usage répandu au … Japon. Elles sont là pour que les convives puissent y déposer leurs sacs, téléphones, sans donc encombrer la table tout en restant à portée de main. Depuis l’ouverture du restaurant on a pu observer que l’usage se met en place, pas du tout habituel en France mais ça vient.
On a ainsi pu se passer du lourd porte manteaux souvent ingrat visuellement et peu pratique, nous en avons tous fait l’expérience. J’ai proposé toutefois quelques patères à l’entrée, simples tubes coudés en cuivre, rappel du système développé au plafond pour l’éclairage, en forme de plan de métro imaginaire, de connections.
Les Chefs tenaient dès la phase d’APS ( avant-projet sommaire ) à la mise en place d’un meuble bibliothèque – réalisée sur mesure – imposant et qui “sacrifiait” tout un mur au détriment de tables possibles. Mais ils y tenaient absolument, plus qu’un simple élément de décor, ce meuble allait présenter bocaux d’ingrédients aussi beaux que bons, mais aussi livres, petits objets, jusqu’au Faucon millénium en Lego de Ludovic, en somme ce qui constituait ces jeunes chefs au delà de la Cuisine même, une porte d’entrée dans leurs jardins d’enfance.
Puisqu’il s’agit en partie d’une aventure familiale vous connaissiez leur cuisine, on imagine que c’est déterminant dans vos propositions.
BM: Comment en effet proposer sans avoir gouté! Pour ce projet je connaissais bien leur travail culinaire et il était évident qu’il allait m’influencer. Prenons par exemple la gamme de couleur qui s’étend du bleu canard extérieur et intérieur à la teinte Cardamome de certains tissus. Nous n’allions pas aller vers une palette démultipliée, sans non plus tomber dans les pastels à outrance beaucoup trop vus.
Les assiettes sont aussi composées graphiquement par les deux chefs, textures, couleurs, rien n’est laissé au hasard.
BeD: Votre apport coté choix de la vaisselle, couverts? Tout ce qui contribue à souligner sans alourdir la mise en scène du plat.
BM: C’est tout le travail d’un céramiste follement talentueux, Tristan Philippe, Aixois installé en Belgique et qui, la quarantaine venue a changé de vie pour se consacrer à l’art de la Céramique, entièrement faites main, pièces uniques, 4 semaines nécessaires et cuisson finale à 1260°, des créations auxquelles nous tenions beaucoup dès le début.
En quoi votre parcours à l’école spéciale d’architecture ( ESA Paris ) sous l’égide de l’inclassable Odile Decq vous singularise sur des projets de ce type?
BM: J’ai puisé dans la transversalité de ma formation pour apporter des réponses archi bien sur mais aussi design produit, textiles. On prône à l’ESA une approche globale tout au long des cinq années d’étude, un peu la marque de fabrique. J’ai ainsi pu proposer tout ce travail sur la banquette, basé sur le principe du mouvement et du changement.
Les deux services quotidien offrant des ambiances différentes, midi, soirée, autre tempo.
3 teintes de tissus de la Maison Panaz: Cardamome, Azur et Ink, deux assises de teintes différents et plusieurs dimensions de dossiers permettant de modifier ambiances et aspect visuel du restaurant. Idem pour les coussins, graphiques ou unis selon la face. Une réalisation d’un autre artisan, le créateur-tapissier Xavier Foret installé à Lyon et dont l’expertise est reconnu.
Votre première vocation de scénographe doit être comblée sur un tel projet, entrer dans un restaurant est comparable à prendre place dans un théâtre, on va y jouer une pièce, une dramaturgie s’annonce mais là aussi, subtilité des effets, point trop n’en faut, c’est l’assiette qui commande!
BM: On en revient à la notion de design global évidemment, j’ai voulu traiter de ces enjeux en obligeant par le simple ajout d’un paravent ajouré en bois peint, mobile mais bien présent, une pause dans la progression vers la salle. Il délimite sans lourdeur un sas, le temps d’être accueilli – quelques patères au mur suggèrent qu’on peut y déposer un manteau – mais aucune cloison qui viendrait fermer le regard.
Ce petit théâtre dont la scène serait la salle, nous tenions à en montrer en partie les coulisses. Un large passe permet donc un dialogue entre salle et cuisines, les assiettes sont dressées sur l’ilot dans une circulation orchestrée, deux parcours afin que les plats entrants et ceux repartant ne se croisent pas, ce qu’on appelle en restauration le circuit propre et le circuit sale.
Comme au théâtre, coté cour, coté jardin…
La pièce joyeuse et renouvelée se joue tous les midis et soirs sauf weekend.
Plus d’informations sur le restaurant : Les Apothicaires – 23, rue de Sèze, Lyon 6e
Architecte : Bérengère Mey
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