Il y a quelques semaines BED a eu l’occasion de rendre visite au designer Joran Briand dans les locaux de son studio situé à Montreuil.
Ce jeune designer Breton diplômé de l’École Nationale des Arts Décoratifs et de l’école Olivier de Serres compte déjà de nombreuses réalisations à son actif, parmi lesquelles les résilles de béton du Mucem (en collaboration avec Etienne Vallet) et du stade Jean-Bouin (pour Rudy Ricciotti), la première planche de surf en jute brodée ou plus récemment la guitare Candy pour le groupe La Femme. Rencontre avec ce designer surfeur dont le travail aux lignes épurées et aux reflets marins n’en finit plus de faire des vagues dans le monde du design…
photo: Kloé pour Blog Esprit Design
– Quel est le quotidien d’un designer?
Un jour typique, c’est une question difficile… Le matin j’aime partager les projets avec les équipes, de voir où ils en sont, l’après midi nous sommes plus dans la production et en fin de journée on essaye un peu de souffler, de faire un bilan sur le développement des projets. Comme tu as vu l’ambiance à l’agence est familiale, c’est agréable de travailler dans ces conditions. Ça me rassure de travailler comme ça, j’aime cette ambiance conviviale.
Ce qui est bien à Montreuil c’est la verdure, on ressent moins la tension Parisienne. On entend les oiseaux et les cloches. Un petit village… C’est agréable de travailler dans ces conditions là. J’essaie petit à petit de développer l’espace de l’agence comme un atelier. Un endroit où l’on peut afficher, entreposer, exposer, laisser décanter les idées. J’aime que chaque personne puisse pouvoir afficher son travail afin que chacun puisse voir le travail de chacun, c’est crucial pour générer une dynamique créative. C’est intéressant de voir après comment il est possible de créer des liens entre chaque projet.
photos: Kloé pour Blog Esprit Design
– Est ce que le travail de designer est différent de ce que tu imaginais quand tu étais étudiant?
Durant mes études, mes professeurs ne m’ont jamais fait rêver, ils m’ont toujours dit que c’était une discipline artistique difficile. Avec le recul, ils avaient raisons, il faut être patient. Actuellement il y a beaucoup d’écoles qui vendent des diplômes de design à mon humble avis il n’y a sans doute pas de la place pour tout le monde. On leur ment surement un peu.
– Combien de temps en moyenne passez vous sur un projet?
C’est très variable, Il n’y a pas de règle. Quelques fois il y a des projets fastidieux qu’on sort aux forceps! Et à d’autres moments le croquis rapide d’intention suffit: il a cette nervosité intrigante et pure.
– Quelle est la taille de votre équipe?
Pour l’instant nous sommes cinq, j’aimerais bien rester à cette échelle, car cela me permet d’avoir un regard sur chaque projet et de continuer à dessiner. Au delà, on fait plus de la ressource humaine.
– Vous touchez un peu à tous les domaines. Avez vous un domaine de prédilection?
Ce qui est intéressant dans le design c’est de travailler avec de nouveaux matériaux, de mettre en avant de nouveaux savoirs faire avec des artisans ou avec des industriels. Je n’ai pas de spécialité particulière, je les développe au fils des rencontres comme le composite en jute avec Corentin De Chateleprron ou le béton Fibré avec Rudy Ricciotti. J’aime bien avoir une approche généraliste: je ne suis pas un spécialiste. Je n’ai pas de domaine préféré, je flâne, c’est ça qui est intéressant dans notre métier. Cette naïveté nous donne la possibilité de faire des ponts entre différents savoirs faire.
July par le Studio Joran Briand pour Cuisse de Grenouille.
Jouy par le Studio Joran Briand pour Cuisse de Grenouille
– Adaptez vous votre manière de travailler à chaque projet?
Nous n’avons pas de recette, c’est toujours bien de repenser une méthode de travail suivant les projets. Chaque nouveau sujet est un prétexte pour expérimenter de nouveaux outils ou une nouvelle méthode, c’est comme ça qu’on s’enrichie, c’est comme ça aussi qu’on progresse, qu’on évolue.
– Avez vous une approche nécessairement pluridisciplinaire du design?
Ce qui m’intéresse c’est de travailler sur les frontières qu’il y a entre l’objet et l’espace. Comment concevoir un espace autour de ces objets et inversement.
Banc Conquérant – Studio Joran Briand
– Comment rencontrer vous les personnes avec lesquelles vous collaborez?
Par exemple j’ai rencontré Rudy Ricciotti à l’école suite à une conférence qu’il avait faite aux Arts Décoratifs de Paris, c’est un peu anecdotique, mais les conférences sont un formidable catalyseur de rencontres. De manière générale il n’y a pas de règles ni de recette. Il ne faut pas attendre la rencontre il faut la provoquer, l’autoproduction est une bonne solution.
– Comptez vous revenir à l’architecture d’intérieur?
Prochainement nous allons sortir des projets qui seront plus axés espace. Actuellement, nous collaborons avec l’agence Chartier Dalix pour la réalisation des nouveaux bureaux du Technocentre de Renault à Guyancourt: nous avons dessiné le mobilier et la signalétique. La conception est presque finalisée. Il y a aussi le showroom d’une écurie de bateaux qui s’appelle Spindrift et là aussi nous avons collaboré avec des amis architectes, l’agence Studio 02. Nous nous occupons de la partie architecture intérieure du clubhouse. Nous avons réutilisé de vieilles coques et mâts d’anciens bateaux qu’on a détournés et tronçonnées pour refaire du mobilier.
Actuellement on est en phase concours pour la scénographie des salons Première Vision Paris.
Clôture Fesnes par le Studio Joran Briand
– Garderez vous l’océan comme marque de fabrique?
Oui! Ça je n’y peux rien! Ce qui m’intéresse avec l’océan c’est le style de vie. Je suis né en Bretagne au bord de l’eau et je connais le bien être que cela procure. Le problème est que la France étant un pays centralisé, tout ce qui est culturel se passe à Paris. J’aime beaucoup cette ville parce qu’on y rencontre des gens extraordinaires et l’on se nourrit d’expositions, mais les vagues ne déroulent pas sur le sable. Je suis coupé en deux entre ma Bretagne natale et Paris. En Bretagne je me recentre, je me pose, je trouve mes idées, je me ressource, je prends du recul… à Paris Je produis, je cours, je me précipite… J’ai donc pour ambition de monter un studio annexe en bord de mer, pour trouver un équilibre, mon équilibre, le livre West is the best est le début de ma réflexion sur le sujet.
– Ces jours ci sort la collection Line Up pour Ombre Claire, pouvez nous expliquer comment est née ce projet?
Aude Durou est une copine d’école que j’ai rencontré à Olivier De Serres. Elle a monté sa marque il y a déjà plus de dix ans. J’aime beaucoup ce qu’elle fait, je porte d’ailleurs ses créations. Cela fait un moment qu’on souhaitait faire un projet ensemble et puis un jour je lui ai proposé qu’on travaille sur des bijoux autour de l’univers du surf. L’idée était de créer un lien entre son univers saharien et mon univers maritime. Ça a donc donné naissance à la collection Line Up qui est sortie le 4 Juin: un collier, un bracelet et des bagues. Cette collection a des références d’art décoratif avec un travail sur la ligne, le rythme, tout en faisant référence aux dunes et aux vagues. C’est un travail graphique, simple, avec une réflexion sur l’assemblage entre le bronze et l’argent massif.
Collection Line Up par le Studio Joran Briand pour Ombre Claire
– Ombre Claire travaille déjà avec les artisans du Niger?
Oui, tout ce qu’elle dessine est produit là bas. C’est une très belle marque que j’aime beaucoup avec une approche très graphique et aussi très poétique. Cette collection s’inscrit dans la continuité de ce qu’elle fait. Le dialogue a vraiment été simple et ça se ressent dans le projet. Ce ne sont pas des bijoux de designer produits, et ça c’est bien. Je pense qu’à certains moments il ne faut pas faire uniquement du design pour du design. Un bijou c’est sublimer un corps, une main, il s’agit donc de jouer sur des jeux graphiques, d’assemblage de matière et assumer l’aspect décoratif.
– Pour conclure, un projet qui vous tient à coeur en ce moment?
Bonne question. On peut parler du livre West is the Best.
Pour le premier volume je suis parti en Californie avec une caméra et un micro à la rencontre surfeurs-designers, et de surfeurs-artistes… En Californie parce que c’est le berceau du surf, c’est là que tout a commencé, enfin ça a commencé à Hawaii mais c’est en Californie que le surf s’est émancipé. Là bas Je suis parti à la rencontre de gens qui ont trouvé leur équilibre entre qualité de vie et travail créatif. Je voulais comprendre comment ce style de vie les inspirait. J’ai rencontré des gens passionnants qui m’ont convaincu qu’il fallait que je développe un autre studio au bord de la mer en France. En revenant j’ai réalisé le livre « West is the best » qui relate ces rencontres. À ma grande surprise cela a été un succès. Je me suis donc aperçu que je n’étais pas le seul à partager ce vague à l’âme… c’est pourquoi je continue mes voyages, je suis actuellement en train de réaliser la suite avec un prochain numéro en France et au Brésil.
Joran Briand (g) et le photographe Ryan Tatar (d). Photo (g): Marie Doiteau
photo: Roberta Donatini
Un grand merci à Joran Briand pour sa disponibilité et son accueil!
Plus d’information sur le designer: Studio Joran Briand
Se procurer le livre West is the Best: West is the Best
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@Z, je me suis fait la même réflexion sur le rapport designer/reconnaissance public/taille du studio….Il est toujours surprenant de constater que parfois des créateurs arrivent à faire beaucoup parler d’eux, alors qu’ils ton souvent seul ( ou avec un stagiaire ou deux) et ont des difficultés financières à vivre de leur art…
DESIGN CONTRE DESIGN ?Joran Briand que je suis depuis Trust in design n’a que 6000 citations sur Google et pourtant un studio de 5 personnes c’est à dire plus qu’Inga Sempé. C ‘est un mystère à éclaircir. Cela veut peut être dire que le core bizz , le coeur de metier de ces 2 designers et studios sont differents