Un objet peut-il nous aider à remettre en question notre quotidien ? C’est ce à quoi s’interroge Christopher Santerre dans son projet de diplôme à l’ENSCI Paris.
Aujourd’hui les objets qui nous entourent sont de plus en plus « immatériels ». À commencer par nos outils de communication : les informations gravitent avec fluidité de notre smartphone à notre ordinateur en passant par l’espace immatériel qu’est le cloud. C’est clair, c’est simple : on ne se pose plus de questions.
Le problème est justement là. C’est dans cette attitude irresponsable que l’on perd conscience de notre quotidien matériel. De la même manière, il devient compliqué de réparer soi même sa voiture ou sa machine à laver : on perd le contrôle.
« L’objet réflexif » se fait grain de sable dans nos habitudes lissées. Ce projet a une dimension manifeste et fonctionnelle à la fois. Il interroge mais apporte aussi des solutions : le garde manger et le micro-serveur. La démarche réflexive s’instaure dès lors que l’on utilise différemment un objet : il nous renvoie à nous même.
Le garde-manger
Le frigidaire a modifié notre habitudes vis à vis de la conservation alimentaire. Il se fait armoire où la particularité des denrées est annihilée. Avons nous besoin de 300 litres de froid quand il y a des produits frais à l’épicerie du quartier ? On ne peut pas dire que le frigidaire est neutre culturellement et sociologiquement. En effet issu du mode de vie pavillonnaire américain, sa pertinence dans les centres villes pose légitimement question.
Christopher Santerre veut réintroduire des savoir-faire vernaculaires, plus raisonné à travers son garde-manger. Sans chercher à apporter une réponse techniciste, c’est en devant choisir entre un des cinq étages de conservation que la dimension réflexive agit pleinement.Dénué de congélateur afin de ne pas encourager l’achat de plat préparés, le garde-manger dispose néanmoins de deux compartiments réfrigérés électriquement afin de préservé les denrées les plus fragiles (viande, poisson, volaille, laitages, jus de fruits…) : le tiroir du bas fait 20L et est à 4°C et celui du haut fait 60L et est à 8°C. Si Christopher Santerre a choisi l’ouverture par tiroir c’est avant tout pour bénéficier de la lumière extérieure, mais également pour avoir une vision globale avec peu d’effort. Basé sur la technique du frigo du désert, le bac en terre cuite se compose de deux pots emboîtés. Entre les deux est versé du sable humidifié. L’eau va s’évaporer grâce à la chaleur que dégage le serpentin de la partie réfrigérée. La zone va ainsi rester fraiche et propice aux légumes-racines de part son humidité. Au dessus du bac en terre cuite on trouve un autre espace de rangement composé d’un cadre en érable qui en coulissant sur la structure en acier permet d’accéder à un jeu de filets amovibles. Ceux en résille synthétique permettent aux aliments de bénéficier de la lumière et de l’air et restent ainsi à portée de vue (et surtout de ventre). Quant à ceux en lin, ils protègent les denrées telles l’oignon ou l’ail de la lumière. Enfin le dernier étage fait office d’étagère pour les denrées sèches et autres conserves.
Un temple dédié à la luxuriance du marché en somme. Mais comment savoir où mettre son topinambour me direz vous ?
Mieux qu’un coup de téléphone à sa grand-mère, Christophe Santerre a prévu la solution en créant un petit livret. Composé de 26 textes et illustrations, il met en exergue les techniques de la conservation.Bien que ce ne soit pas sont point d’entrée la démarche de Christopher Santerre a donc, in fine, par son bon sens des conséquences écologiques.
Le serveur
Toujours basé sur la conservation, la deuxième partie de « l’objet réflexif » nous interroge cette fois ci sur le stockage d’une notion plus immatérielle : nos e-mails.
Il y a plus de quinze ans, nous les conservions sur nos machines. N’oublions pas que le principe d’Internet était d’avoir des données chez soi et de les partager avec les autres. Mais peu à peu, nos informations se sont centralisées dans des entreprises privées américaines : Google, Skype, Facebook etc … Le Cloud, le Drive,une pseudo-liberté gagné au prix de l’évaporation de notre vie privée. Ce processus s’est mis en place sans que l’on se questionne vraiment. Si le service de messagerie est gratuit c’est avant tout parce que nous en sommes le produit : nous générons de la valeur grâce à nos données. Nos données sont collectées, et utilisées à diverses fin.
Certes il y a eu des alternatives de serveur privé, à se faire soi même, mais elles sont encore trop souvent difficiles d’accès et réservées à public restreint de technophiles. C’est ici qu’intervient la démarche de Christopher Santerre : rendre ce micro-serveur désirable, « sexy », en le transformant en objet du quotidien. L’utilisateur le met en place selon des étapes accompagnées : une mise en marche nécessaire pour comprendre l’enjeu de l’objet et sa complexité. Le pack créé permet ainsi de mettre en place son auto-hébergement des mails en branchant le serveur à sa box. Christopher Santerre a également mis en place un site web pour suivre les cinq étapes. Une démarche faisant directement référence à Enzo Mari et son invitation à produire nous-même nos meubles afin d’aiguiser notre œil critique sur notre quotidien matériel (Cf. Autoprogettazione, Enzo Mari, 1974). Il invite à aiguiser notre regard par rapport aux choses qui nous entourent, ici numériques. La proposition trouve néanmoins une limite en terme de ré-appropriation des données. En effet si l’utilisateur converse avec une personne détentrice d’un compte Gmail par exemple, alors l’échange finira inévitablement sur les serveurs de Google.
Christophe Santerre propose ainsi deux objets : l’un conservant les flux nourrissant le corps, l’autre ceux de l’esprit. Au delà de ces deux notions, il interroge l’influence d’une idéologie dominante dans nos habitudes et pose la question de la propriété de nos informations dans une aire où elles sont de plus en plus commercialisées.
FRIGIDAIRE AMERICAIN… DE GENERAL MOTORS + FRIGO AFRICAIN EN TERRE CUITE = PROJET ENSCI… Le designer n’est pas, le plus souvent un inventeur, celui qui depose un brevet. Il depose des dessins. Le Frigidaire domestique industralisé (Frigidaire est une marque déposée créée par General Motors en 1918) est entré dans les foyers en France après guerre en 1952… bien longtemps apres son invention … par un inventeur et entrepreneur allemand Car von Linde. Inventé et breveté dans les années 90 par le Professeur nigerien Mohammed Bah Abba, le frigo en terre cuite à deux pots est donc africain … Il n’est donc ni ancestral ni vernaculaire…. http://media.treehugger.com/assets/images/2011/10/pot-in-pot.jpg
L’ OBJET REFLEXIF VERNACULAIRE QUE JE VOIS SUR MON ECRAN D’ORDINATEUR. …. Je ne vais pas vous apprendre ( mais à l’éducation nationale qui semble l’ignorer la recherche) que l’on voit et que l’on apprend à partir de ce que l’on connait déjà. Il faut un bon matelas de connaissances de l’enseignement superieur qui va bien au dela des 2 bacs à légumes de la menageres de moins de 50 ans pour comprendre les mots , les notions , les concepts de réflexivité et de vernacularité que l’on peut lire sous la plumes des Ensci, les ateliers de la fabrique des idées et du vocabulaire… Alors je vois quel (s) objet dans les images : une petit meuble de rangement noir sur le sol sur lequel est posé une etagere …. Je decouvre dans le texte que le petit meuble noir est un refrigerateur . Le réfrigerateur moderne est apparu en France en 1952 venu d’Amérique … La chaleur monte . Non? C’est bien connu , le refrigerateur chauffe la cuisine avec ls autres produits blancs …. Le noir conserve la chaleur. Non? A moins de vouloir appliquer la technique d ‘exercice physique selon Malta Benoît de École Boulle, le frigo au ras du sol fait tres mal au dos. C’est pourquoi on ne place maintenant le compartiment refrigéré au dessus du compartiment congelation qui chez moi n’a aucun plat preparé. La cuisine est la pièce la plus chaude et la plus humide. Ce n’est donc pas le lieu le plus adapté à la conservation des fruits et légulmes. Le celier est une pièce au nord. Pour terminer mes observations , ma reflexion et mon questionnement vous avez oublié un critère de conversation imortant une phytohormone , l’éthylene. Le rôle d’hormone végétale de l’éthylène a été découvert en 1901 : on remarqua que les feuilles des plantes situées à proximité des lampadaires à bec de gaz tombaient prématurément. C’est pourquoi je gère la maturation et donc la conservation de mes fruits et légumes en fonction de ce critère..
Merci @christopher pour ces précisions
Je vais tenter d’apporter quelques précisions aux commentaires précédents.Il s’agit bel et bien d’un projet de fin d’études présenté dans le cadre de mon diplôme à l’ENSCI – Les Ateliers.Le constat de départ est qu’un français moyen (nous sommes 3/4 d’urbains) dispose à porter de main d’un très grand choix de lieux pour accéder à de la nourriture fraiche (maillage très dense de petites et moyennes surfaces, de nombreux marchés, des épiceries de quartier, différents services de circuits-courts ou encore la possibilité de se faire livrer.) ce qui questionne fortement la nécessité de stocker une quantité importante de nourriture chez soi. Dans le cas d’un foyer de deux à trois personnes ayant une fréquences de course de une à deux fois par semaine la contenance proposée est donc largement suffisante. Le propos principal étant de souligner que pour un usage moyen les réfrigérateurs vendus aujourd’hui sont largement sur-dimensionnés et qu’il suffirait ne serait-ce que de changer quelques habitudes de conservation alimentaire pour consommer beaucoup moins de froid électrique.Le contexte de départ de ce projet est donc bel et bien la vie en ville, ses proportions (155x50x55cm) sont d’ailleurs calquées sur le volume généralement alloué au réfrigérateur, cela afin de s’intégrer au mieux dans l’existant.
OBJET REFLEXIF ? VERNACULAIRE ? SUR LES TOPINAMBOURGS EN VILLE…. Ce jeune designer qui a fait aussi une grande école de commerce , de marketing et de management ESCP en plus d’une grande ecole de design l’Ensci les ateliers a oublié de tenir compte du contexte urbain. En ville on a pas, le plus souvent d’arrière cuisine, de réserve , de cellier, de cave pour y placer son garde manger vernaculaire…. Vincent a raison de rappeler le projet imbreco-fridge- de betty lujan Ensaama, Olivier de Serre que j’ai beaucoup decortiqué.
nous renvoyant également à ce projet :
http://www.blog-espritdesign.com/high-tech/projet-etudiant-imbreco-fridge-betty-lujan-ensaama-26934
Projet très intéressant que ce garde-manger qui remet au gout du jour avec une recherche esthétique des méthodes de conservation d’hier. Une bonne idée en période de recherche d’économie d’énergie. Après tout le monde n’habite pas à deux de la première épicerie et dans la plupart des cas, le plein se fait une ou deux fois par semaine, perso entre l’AMAP et le marché. Après, il est possible que le cela tienne une semaine avec le garde-manger. Où en est le projet, est-ce pour l’instant uniquement un projet de fin d’études ?