Une réinterprétation de la notion de temps par une série d’objets
Nous sommes confrontés à différentes perceptions du temps. Il y a le temps social, celui qui nous dicte de nous lever le matin, qui organise notre emploi du temps, qui nous « inscrit » dans la société. Il y a le temps astrologique/cosmique : soleil, lune qui guide nos marées et nos saisons. Enfin il y a le temps physiologique, celui de notre corps et de ses rythmes intérieurs. Ces différents temps établissent des rapports de force qui nous influencent sensiblement. Certains luttent contre ce temps qui passe, d’autres l’observent passer et apprennent à l’apprivoiser.
Ce sont ces derniers qui m’intéressent. J’ai retenu quatre designers qui s’appliquent à livrer une vision créative de l’observation du temps. Ils arrivent à nous faire observateur du temps de manière détournée.
Franziska Müller s’intéresse au « temps vécu », au sentiment intérieur de la durée. Elle imagine Tactbox, c’est une boîte parallélépipédique qui comporte une corde. A la manière un métronome, une cadence est pincée. L’utilisateur peut faire varier cette cadence, ce qui lui permet de changer le rythme, et par là d’ajuster sa propre vitesse «interne». Se ralentir, se donner un temps de respiration au delà des minutes et des heures qui défilent et sur lesquelles nous n’avons pas de prise.
En lien, la vidéo de son projet de diplôme, Zeitsinne. Elle s’interroge sur notre manière de percevoir le temps, et se questionne sur la possibilité de ne pas vivre le temps de manière fonctionnelle. Elle propose de sentir, goûter, voir et entendre le temps. Elle détaille ainsi les différentes qualités du temps.
Le designer français Gilles Belley observe lui, le temps de manière linéaire, évolutive. Il recrée à une échelle réduite une confrontation à l’expérience du temps millénaire. Il a créé pour le FNAC (Fond National d’Art Contemporain) un Engrais végétal d’après le processus d’érosion des reliefs géographiques.
Le projet fonctionne de cette manière : « La petite forme de type géographique s’érode sous l’action de l’eau, la Colline s’enterre partiellement dans son pot. Après quelques jours d’arrosage, la décomposition de la base libère les graines et des matières organiques nutritives. La Colline elle-même, beaucoup plus épaisse que sa base, va s’éroder sur une durée bien plus longue délivrant des nutriments à la plante tout au long de sa croissance. » (description du fonctionnement tirée du site de Gilles Belley). Ici c’est l’observation d’un phénomène naturel qui amène à la contemplation du concept de temporalité.
Les pièces La fabrique végétale ont réalisées pour le centre d’art La Cuisine.
Le studio néerlandais Maarten Kolk et Guus Kusters a conçu en 2012, la série Waddenzee. Comme le projet précédent, la nature et son évolution sont leur source d’inspiration, mais ici, c’est le processus de création qui est pensé en reproduisant « un effet de nature ».
Les deux designers ont calqué le temps des marées de la mer du Nord à la production de céramique. Ainsi après avoir réalisé une glaçure au cobalt dans un moule, chaque fois que la mer monte, de la porcelaine liquide est versée dans ce moule, une partie de l’émail s’attache à la plaque. La première plaque produite est sombre, la seconde un peu plus légère. Les couleurs varient et dépendent des variations de hauteur de la mer et sa durée à être de nouveau à marée haute. Les assiettes sont uniques et gardent la trace de la de succession des intervalles des marées.
Enfin, la dernière observation de temps correspond à sa fuite inéluctable. Les hommes semblent toujours attachés à vouloir conjurer ou annuler les effets d’un temps dont l’irréversibilité suscite l’angoisse. La série Flowering transition du designer anglais Marcin Rusak illustre cette dernière idée. Il analyse l’expérience temporaire de « vraie nature » que l’on s’offre en s’achetant des bouquets, plantes ou compositions florales jusqu’à ce que ces produits se fanent et soient jetés. Pour conjurer l’effet périssable et éphémère Marcin Rusak s’inspire de la façon dont le cycle des fleurs se termine et imagine une technique d’impression analogique faite de déchets de fleurs accumulés pendant plusieurs mois et crée des textiles. Une sorte de « linceul floral », trace d’un passé glorieux qui fige momentanément le temps.
Le temps n’est ni ce que la science mesure, ni ce qu’un individu particulier ressent subjectivement. Les temps sont différents, irréductibles les uns des autres, les scénarii que nous proposent ces quatre designers nous confrontent à l’expérience du temps : à sa réinvention pour en faire sa propre abstraction, au temps millénaire matérialisé à une échelle réduite, à une de ces manifestation naturelle calquée et reproduite pour en conserver sa trace, et enfin à une de ces images éphémère, symboles de vanité, pérennisée.
Merci à Alice Pessey pour cette première contribution sur BED, poésie et sens, une patte nouvelle, appelant très vite de nouveaux articles !
LA REGLE DU TEMPS DE SEBASTIAN BERGNE, TROP LISIBLE ?…. Je ne me casse pas la tête avec le concept de temps même si je suis amateur de philo ( voir video d’Yves Klein, prof à l’ecole Centrale et de Raphaêl Enthoven Prof à Sciences Po sur You tube). En temps qu’amateur de design , je comprends vite que la regle du temps de Sebastian Bergne est à la fois une règle et un calendrier perpetuel dans l’air du temps. http://www.maxitendance.com/wp-content/uploads/2012/01/REGLE-TEMPS-SEBASTIAN-BERGNE-0.jpg